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Ingres - Portrait de Monsieur Bertin (1832) dont la stature fait penser au baron Nucingen 

Ingres - Portrait de Monsieur Bertin (1832) dont la stature fait penser au baron Nucingen 

Histoire d'un coup de foudre
Le baron de Nucingen qui a vu au bois de Vincennes Esther Gobseck, la maîtresse de Lucien de Rubempré, en tombe follement amoureux. Mais le temps de se remettre de son saisissement, la jeune femme disparait emportée dans une voiture fermée. Voulant absolument retrouver cette fille « aux yeix de veu » Nucingen met son argent, ses gens et la police à sa recherche et offre un million pour passer une nuit avec elle.
Balzac se plait ici à nous montrer l'impitoyable millionnaire complétement désarmé devant la force du désir qui se refuse. Il s'en ouvre à ses amis dont Eugène de Rastignac, son
« collaborateur conjugal » et Lucien de Rubempré, l'amant d'Esther, la fameuse fille « aux yeux de feu. »
Les personnages qui entourent Nucingen, les viveurs de la Comédie humaine, tous autant cyniques et cruels que le banquier, l'interrogent sur cette mystérieuse femme qu'ils feignent de ne pas connaitre et qui n’est autre que la Torpille, le surnom d’Esther, l’ancienne « machine à plaisir » du groupe, aujourd’hui maîtresse en titre de Lucien.
Tout à son malheur exprimé dans un lamento drolatique l’infortuné baron ne voit pas que ses compagnons, et d'abord Balzac le maître d’œuvre de ce jeu de dupe, le poussent à dire et redire ses "peines de coeur" avec cet accent impossible qui appelle plus le sourire qui se moque que la compassion qui réconforte.

A la recherche d’Esther (extrait)
… "- Où l’avez-vous rencontrée, cette jeune innocente ? demanda Rastignac.
- An fiodire, hâ minouid, au pois de Finzennes.
- Son signalement ? dit de Marsay.
- Eine jabot de casse plange, rope rosse, eine haigeharbe planche, foile planc... eine biguire fraiment piblique ! Tes yeix de veu, eine tain t’Oriend.
- Vous rêviez ! dit en souriant Lucien.
- C’est frai, cheu tormais comme ein govre... ein govre blain, dit-il en se reprenant, gar zédaite en refenand de tinner à la gambagne te mon hâmi...
- Était-elle seule ? dit du Tillet en interrompant le Loup-cervier.
- Ui, dit le baron d’un ton dolent, zauv ein heidicq terrière la foidire ed eine fâme te jampre...
- Lucien a l’air de la connaître, s’écria Ratignac en saisissant un sourire de l’amant d’Esther.
- Qui est-ce qui ne connaît pas les femmes capables d’aller à minuit à la rencontre de Nucingen ? dit Lucien en pirouettant.
- Enfin, ce n’est pas une femme qui aille dans le monde ? demanda le chevalier d’Espard, car le baron aurait reconnu l’heiducque.
- Che neu l’ai fue nille bard, répondit le baron, et foillà quarante chours queu cheu la vais gerger bar la bolice qui neu droufe bas.
- Il vaut mieux qu’elle vous coûte quelques centaines de mille francs que de vous coûter la vie, et, à votre âge, une passion sans aliment est dangereuse, dit Desplein, on peut en mourir. 
- Ui, répondit Nucingen à Desplein, ce que che manche neu meu nurride boind, l’air me semple mordel. Che fait au pois te Finzennes, foir la blace i che l’ai fue !... Ed ! foilà ma fie ! Cheu n’ai bas pi m’oguiber tu ternier eimbrunt : cheu m’an sis rabbordé à mes gonvrères ki onte i biddié te moi... Bir ein million, che foudrais gonnèdre cedde phâmme, ch’y cagnerais, car cheu neu fais blis à la Pirse... Temantez à ti Dilet.
- Oui, répondit du Tillet, il a le dégoût des affaires, il change, c’est signe de mort.
- Zigne t’amûr, reprit Nucingen, bir moi, c’esde eine même chaus."

Splendeurs et Misères des courtisanes, 1838-1847

Tag(s) : #Lire Balzac La Comédie humaine
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