Complément aux « buveuses de ciel » paru dans ce blog en août 2022
« Je bois mes embêtements »
Descente aux enfers d’une domestique, Germinie Lacerteux, séduite et trahie par l’homme qu’elle aimait, sombre par désespoir dans la pire des débauches, la prostitution sale noyée dans l’absinthe.
Abandonnée par ce premier amant, Germinie est « récupérée » par un peintre ivrogne qui lui fait vivre, avant de la rejeter à son tour, le même calvaire fait de sexe et d’ivresse dure.
Ne pouvant plus vivre seule la jeune femme pour satisfaire son tyrannique besoin d’amour et d’alcool (cf. l’insatiable Emma Bovary qui invente des caresses de prostituée pour garder son jeune amant Léon qui va la quitter) se met à hanter les rues et les bouges de Paris où les filles se donnent pour un verre d’absinthe ou de vin. Puis, au bout de ses nuits grises et de ses fatigues, elle rentre pour dormir un peu « chez madame » où elle a une petite chambre sous les toits.
Avec sa « figure d’assassinée » Germinie, épuisée et rongée par toutes sortes de maladies, est admise dans le service des nécessiteux de l’hôpital Lariboisière où elle meurt deux semaines plus tard.
Considéré comme le premier roman naturaliste, Germinie Lacerteux est salué par Hugo et Zola qui lui consacre un long article plein d’éloges.
Extraits
- 1 « D’abord, elle avait eu besoin, pour boire, d’entrainement, de société, du choc des verres, de l’excitation de la parole, de la chaleur des défis ; puis bientôt elle était arrivée à boire seule. C’est alors qu’elle avait bu dans le verre à demi-plein, remonté sous son tablier et caché dans un recoin de la cuisine ; qu’elle avait bu solitairement et désespérément ces mélanges de vin blanc et d’eau-de-vie qu’elle avalait coup sur coup, jusqu’à ce qu’elle y eût trouvé ce dont elle avait soif : le sommeil. Car ce qu’elle voulait ce n’était point la fièvre de la tête, le trouble heureux, la folie vivante, le rêve éveillé et délirant de l’ivresse ; ce qu’il lui fallait, et qu’elle demandait, c’était le noir bonheur du sommeil, d’un sommeil sans mémoire et sans rêve, d’un sommeil de plomb tombant sur elle comme un coup d’assommoir sur la tête d’un bœuf : et elle le trouvait dans ces liqueurs mêlées qui la foudroyaient et lui couchaient la face sur la toile cirée de la table de cuisine. »
2 - « Je bois mes embêtements », avait-elle répondu à une femme qui lui avait dit qu’elle s’abîmerait la santé à boire. Et comme dans les réactions qui suivaient ses ivresses, il lui revenait un plus douloureux sentiment d’elle-même, une désolation et une détestation plus grandes de ses fautes et de ses malheurs, elle cherchait des alcools plus forts, de l’eau-de-vie plus dure, elle buvait jusqu’à de l’absinthe pure pour tomber dans une léthargie plus inerte, et faire plus complet son évanouissement à toutes choses."