Tsugouharu Foujita débarque à Paris le 6 août 1913 où il prend une chambre à l’hôtel d’Odessa. A la tête d’une modique pension que lui verse son père, Général de l’armée impériale du Japon, Foujita s’installe à Montparnasse où se retrouvent la plupart des artistes en rupture de pays. Jeunes, talentueux, noceurs, désargentés ils forment l’avant-garde de la peinture et inventent ce que l’on appelle l’Ecole de Paris. Ils ont noms, pour les plus célèbres, Picasso, Modigliani, Soutine, Kisling, Chagall, Pascin, Kees van Dongen, Zadkine et Tsugouharu Foujita.
Présenté à Picasso le lendemain de son arrivée, Foujita comprend vite qu’il devait oublier ce qu’il avait appris à l’Ecole des Beaux-Arts de Tokyo et trouver sa propre voie en remarquant, outre les imposantes compositions cubistes de son hôte, les toiles étranges du Douanier Rousseau. Il s’imprègne des recherches de ses camarades, notamment des femmes « africaines » de Modigliani avec qui il se lie d’amitié, et se forge un style mêlant la modernité de l’Europe à la sensibilité des artistes de l’Asie. Il opère ainsi un original syncrétisme artistique mêlant ses racines japonaises à ce qu’il sait des Maîtres de la peinture occidentale. Fort de cette évidence et pressé de la mettre en pratique il se promet de tout faire « pour réaliser le contraire de ce que font les autres. » Il lui faut plusieurs mois d’essais pour mettre au point sa technique qui consiste à dessiner d’un geste, sur la surface monochrome d’un support, les formes aimables d’un corps de femme
Sa rencontre avec Fernande Barrey (1893-1960) est décisive dans l’ancrage parisien du peintre. Arrivée à Paris à 16 ans, Fernande commence par se prostituer avant de devenir modèle pour le photographe Jean Angélou et les peintres Modigliani et Soutine. Sur leurs conseils, elle se met à peindre et fréquente les cafés de Montparnasse où elle croise à la Rotonde Foujita, le 18 mars 1917. Le coup de foudre est immédiat. Sans attendre, ils se marient 13 jours plus tard et s’installent dans l’appartement de la jeune femme. Dans la cour de l’immeuble de son épouse d’anciennes écuries sont à louer. Il se les procure et y installe son atelier qui devient le lieu où se réunissent peintres et modèles pour des séances de pose ou pour improviser des fêtes. Dans l’atelier qui sent encore le cheval, Foujita, encouragé par ses amis et ceux de Fernande qui connait bien le milieu de la presse et celui des galeristes, se met à composer des portraits de femmes où domine encore sa patte extrême-orientale. Cette touche exotique enchante la clientèle qui, par ses achats, va contribuer à l’imposer dans le monde fermé de la peinture des Années folles. L’exposition organisée par sa femme l’année même de leur mariage rencontre un tel succès qu’elle va mettre pour un moment le couple à l’abri du besoin.
C’est dans ces années d’après-guerre que la technique de l’artiste japonais prend forme et se précise grâce à l’emploi de pigments rapportés du Japon et broie pour en faire une poudre qu’il dilue dans de l’eau. Commence alors pour Foujita une période de gloire qui atteint Bruxelles, Londres, New-York. Il organise des bals où sont conviés artistes et intellectuels, rencontre d’autres modèles qui poseront pour lui (cf. l’article sur Kiki de Montparnasse), consacre ses nuits au travail ou au plaisir et devient, en dandy céleste, le Japonais le plus célèbre et le plus généreux de la bohème parisienne.
Mais le couple formé par Foujita et Fernande, à force d’écarts et d’excès, se délite. Ils vivent désormais séparés, chacun revendiquant sa liberté. Il se détache d’elle et divorcent bien après qu’une jeune fille de 19 ans se soit emparé du cœur de l’artiste. Un jour qu’est attablée à la terrasse de la Rotonde, Lucie Badoul (1903-1964) est séduite par l’allure hors du commun d’un homme qu’elle aperçoit debout en train de parler avec un client. L’homme porte des lunettes rondes, des boucles d’oreilles, une petite moustache sur une tête de japonais coiffée d’un épais casque de cheveux noirs. A peine rentré dans le café qu’il en ressort et disparait. Son apparition provoque un choc chez Lucile et dès lors elle n’a de cesse de le retrouver. Elle ne sait pas qui il est mais parvient à se faire conduire chez lui. Ils ne se quitteront plus.
Baptisée Youki (Neige rose en Japonais) par son amant elle devient sa muse et sa fierté qu’il peint ou dessine avec passion des centaines de fois. Sa plastique laiteuse aux courbes sensuelles, ses yeux en amande, sa coupe de cheveux à la garçonne et ses propos acidulés inspirent le peintre qui magnifie inlassablement « son intelligence, sa pensée et sa beauté. »
Apparaissent alors sur ses toiles à fond nacré des nus somptueux aux formes soulignées d’un seul trait à l’encre noire. Le métier de Foujita s’est affirmé, affermi, et ses expositions sont des succès. Le monde de l’art – amateurs, collectionneurs marchands - s’y presse avec gourmandise. Les journaux encensent le travail du peintre, sa façon d’érotiser ces corps de femmes pâles allongées sur des draps blancs céruse, telles des Vénus de Titien vouées au culte de Sappho, que le peintre pose avec soin sur le fond patiné et comme lissé de la toile. Le maître du trait, c’est ainsi que certains critiques l’appellent, s’applique avec son pinceau de calligraphe à placer des touches légères de peinture à l’huile, des touches ouatées qui semblent onduler et vivre sur « le plus beau des matériaux : la peau humaine ». Avec une économie de moyens sidérante il recouvre le bout des seins d’une teinte rosée, montre la chair de porcelaine transparente du ventre et des jambes et rompt délicatement avec cette atmosphère monochrome en faisant, par contraste, couler en cascade la chevelure bouclée, noire et blonde, de ces Grâces au visage mélancolique d’où percent parfois de grands yeux japonisants. La bouche aux lèvres pleines, roses aussi, ne sourit pas mais fait invariablement penser aux baisers qu’elle pourrait donner et aux mots qu’elle pourrait dire.
Apparaissent alors sur ses toiles à fond nacré des nus somptueux aux formes soulignées d’un seul trait à l’encre noire. Le métier de Foujita s’est affirmé, affermi, et ses expositions sont des succès. Le monde de l’art – amateurs, collectionneurs marchands - s’y presse avec gourmandise. Les journaux encensent le travail du peintre, sa façon d’érotiser ces corps de femmes pâles allongées sur des draps blancs céruse, telles des Vénus de Titien vouées au culte de Sappho, que le peintre pose avec soin sur le fond patiné et comme lissé de la toile. Le maître du trait, c’est ainsi que certains critiques l’appellent, s’applique avec son pinceau de calligraphe à placer des touches légères de peinture à l’huile, des touches ouatées qui semblent onduler et vivre sur « le plus beau des matériaux : la peau humaine ». Avec une économie de moyens sidérante il recouvre le bout des seins d’une teinte rosée, montre la chair de porcelaine transparente du ventre et des jambes et rompt délicatement avec cette atmosphère monochrome en faisant, par contraste, couler en cascade la chevelure bouclée, noire et blonde, de ces Grâces au visage mélancolique d’où percent parfois de grands yeux japonisants. La bouche aux lèvres pleines, roses aussi, ne sourit pas mais fait invariablement penser aux baisers qu’elle pourrait donner et aux mots qu’elle pourrait dire.
Les premières années vécues avec Youki sont sans doute les plus heureuses et les plus productives de Foujita. Et les plus lucratives. Leur confortable maison près du parc Montsouris dans le 14ème a table ouverte pour les amis, connus ou inconnus. Le jour de ses 20 ans le peintre organise un grand bal en l’honneur de Youki et lui offre une Delage décapotable avec chauffeur. Le bouchon du radiateur de la voiture est un bronze de Rodin, l’Homme au nez cassé. Il est reçu dans les salons mondains des beaux quartiers où tel grand nom lui commande un portrait et, suprême consécration à la française, il est décoré en 1925 de la Légion d’Honneur. Le poète Robert Desnos devient l’un de leurs familiers ; il est de toutes les fêtes, un œil intéressé toujours posé sur la fantasque et appétissante Youki - sa « sirène ».
Youki et Foujita se marient en 1929 et se rendent au Japon où Foujita est invité pour une série d’expositions et de conférences. Il peint de nombreuses toiles qu’il vend à Tokyo et à Kobé pour réunir la somme que lui réclame le fisc français. Après deux années d’absence ils reviennent en France mais quelque chose s’est brisé en lui. Foujita ne supporte plus la vie parisienne. Les nuits blanches que passe Youki dans les boites de jazz de la Capitale, son goût pour les alcools forts et les fêtes bruyantes viennent à bout de Foujita qui aspire de plus en plus au silence et au travail. Pour mettre fin à ses incertitudes tant sentimentales que pécuniaires (le fisc le poursuit encore et Youki ne cache plus sa liaison avec Desnos), il décide d’aller en Amérique Latine et prépare en secret son départ avec l’un de ses modèles, Madeleine Lequeux (1906-1936), dite Mady, une danseuse du Casino de Paris. Avant de quitter la France il laisse un mot amical à Desnos et une lettre à sa femme qu’il confie au poète amoureux.
A Mexico Foujita et Mady retrouvent l’effervescence de la vie parisienne. On dirait que le monde de l’art s’est déplacé là tant les bruits de bottes se font menaçants dans cette Europe guerrière qui voit s’éteindre la grande fête parisienne.
Diego Rivera qui a connu Foujita à Paris avec Modigliani, Frida Kahlo et leur bande ont fait du Mexique le lieu où le monde bouge et s’engage dans l’art, l’amour et la politique (cf. Nahui Olin ou l'Art sous la braise - 1893-1978.) Foujita est reçu à bras ouverts, il reprend goût au travail, visite longuement le Brésil qui le fascine, l’Argentine, le Pérou, découvre un autre monde et réalise de nombreux portraits de Mady qui comptent parmi les plus réussis du peintre.
Après ce fructueux séjour en Amérique Latine Foujita et Madeleine s’embarquent pour Tokyo où le peintre, invité pour une série d'expos et de conférences, est accueilli triomphalement. Ils s’installent en 1933 d’abord dans la propriété familiale puis dans la maison que Foujita a fait construire pour eux. La beauté blanche et rousse de Mady fait merveille dans le cercle des amis du peintre qui assistent au spectacle qu’elle donne chaque soir dans un théâtre de Tokyo. Lui, heureux de ses succès et de ceux de sa compagne, ne se lasse pas de la représenter dans sa resplendissante beauté dans de nombreux tableaux qui rappellent ceux des années 1920.
Mais l’état de santé de la jeune femme se dégrade, usé par l’alcool et la drogue. Elle meurt d’une overdose au début de l’été 1936 à l’âge de 30 ans.
Diego Rivera qui a connu Foujita à Paris avec Modigliani, Frida Kahlo et leur bande ont fait du Mexique le lieu où le monde bouge et s’engage dans l’art, l’amour et la politique (cf. Nahui Olin ou l'Art sous la braise - 1893-1978.) Foujita est reçu à bras ouverts, il reprend goût au travail, visite longuement le Brésil qui le fascine, l’Argentine, le Pérou, découvre un autre monde et réalise de nombreux portraits de Mady qui comptent parmi les plus réussis du peintre.
Après ce fructueux séjour en Amérique Latine Foujita et Madeleine s’embarquent pour Tokyo où le peintre, invité pour une série d'expos et de conférences, est accueilli triomphalement. Ils s’installent en 1933 d’abord dans la propriété familiale puis dans la maison que Foujita a fait construire pour eux. La beauté blanche et rousse de Mady fait merveille dans le cercle des amis du peintre qui assistent au spectacle qu’elle donne chaque soir dans un théâtre de Tokyo. Lui, heureux de ses succès et de ceux de sa compagne, ne se lasse pas de la représenter dans sa resplendissante beauté dans de nombreux tableaux qui rappellent ceux des années 1920.
Mais l’état de santé de la jeune femme se dégrade, usé par l’alcool et la drogue. Elle meurt d’une overdose au début de l’été 1936 à l’âge de 30 ans.
Une autre vie commence pour Foujita. Il est nommé en 1940 peintre officiel de l’armée Impériale. . Il est nommé en 1940 peintre officiel de l’armée Impériale. Il revient en France en 1949 avec sa dernière épouse Kimiyo Horychi, obtient la nationalité Française, se convertit au catholicisme et inaugure, après son baptême, l’ultime cycle de son processus créatif, la peinture religieuse.
Il meurt à Zurich en 1968.
Il meurt à Zurich en 1968.
Foujita - Portraits et Autoportraits
Fernande, Youki, Madeleine - Modèles
et compagnes
Foujita - Cliché représentant le peintre et son modèle Madeleine daté et situé à Buenos Aires, 1932
Oeuvres : Huiles, aquarelles, encre de
Chine, fusain