Maria Del Carmen Mondragon Valseca connue sous le nom de Nahui Olin, que j’utiliserai pour la désigner dans la suite de ce propos, est la fille du Général Mondragon, Secrétaire à la Guerre et à la Marine du Mexique. La famille, financièrement aisée et curieuse par goût, voyage surtout en Europe et finit par se fixer à Paris où la jeune fille séjourne de 1897 à 1905. Elle apprend le français et s’intéresse aux techniques de la peinture, un art pour lequel ses professeurs remarquent son aptitude. Nahui Olin compose aussi de la musique et excelle dans la poésie qu’elle écrit directement en français. Après d’excellentes études où son attirance pour l’art se confirme, elle décide de se consacrer à la peintre et à l’écriture. Mais ce désir ne peut se réaliser que si elle se libère de la sourcilleuse tutelle de son père.
Pour échapper à l’autorité paternelle elle se marie à 20 ans avec Manuel Rodriguez Lozano, un garçon aussi peu conformiste qu’elle et amateur d’art. De nouveau à Paris en 1914 les jeunes mariés visitent les musées et fréquentent la bohème inventive et cosmopolite qui se presse autour du Bateau Lavoir à Montmartre. Ils rencontrent Matisse, Cocteau et Picasso qui, après avoir vu un dessin de Manuel, l’encourage à persévérer dans cette voie.
En 1921 Nahui Olin retourne seule au Mexique avec l’accord de son mari qui accepte la solution d’une séparation de corps. Devenue libre de ses actes, elle signifie son indépendance retrouvée en se coupant les cheveux à la garçonne (comme à Paris), en rétrécissant la longueur de ses jupes dans la très prude Mexico et en revendiquant le droit à une sexualité libre qu’elle met sans attendre en pratique.
Elle est vite adoptée par le milieu artistique qui est à cette époque en pleine ébullition. Elle peint, écrit, fait du théâtre et tente même le music-hall. Elle côtoie Diégo Rivera (qui fait d’elle plusieurs portraits et la représente sur l’une de ses plus importantes peintures murales), David Alfaro Siquéiros, José Clemente Arozso, Tina Madotti, Antonieta Rivas Mercado, Frida Kahlo … Sa beauté d’un érotisme solaire hypnotise et envoute qui l’approche. Ses nombreuses photos de nu, celles de Edward Weston et Antonio Garuna notamment, connaissent un vrai succès qui rejaillit sur sa propre personne et sur les tableaux qu’elle expose.
En 1922 elle rencontre lors d’un vernissage le peintre Géraldo Murillo, le fameux Dr ATL, avec lequel elle vit une intense, passionnée et « volcanique » histoire d’amour. De 20 ans son aîné il la guide dans son métier de peintre et lui demande d’emménager chez lui. Ils s’installent dans la maison atelier du peintre provoquant un autre scandale dans les milieux conservateurs de la ville ainsi qu'au sein de l’église catholique car Nahiu est toujours mariée.
C’est Géraldo qui la baptise du nom aztèque Nahui Olin, nom qu’elle gardera jusqu’à la fin. C’est à cette époque de frénésie érotico-créatrice qu’elle publie ses poèmes Optica cerebra (1922) et, en français, câlinement je suis dedans (1923) ainsi que A dix ans (1924) et peint une grande quantité de tableaux « naïfs » qu’elle préfère qualifier d’intuitifs. Ses larges coups de pinceaux, l’utilisation de couleurs vives, la présence de formes élancées et comme jaillissantes, le recours à une perspective sommaire et sa réinterprétation des paysages et des habitants de son pays apparentent sans aucun doute son oeuvre à ce que l’on appelle une peinture naïve.
Geraldo Murillo et Nahui Olin se séparent brusquement en 1925. Elle consacre désormais son temps à peindre et à aimer tout en continuant de poser pour les photographes à Mexico, à New-York et sur les plages du Pacifique où elle a pris l’habitude d’aller se baigner au milieu des grands rouleaux blanc-vert de l’Océan.
En 1935 elle rencontre Eugenio Agacino, un Officier de marine avec lequel elle noue une relation stable mais pas forcément sage. Elle produit de nombreuses toiles où elle se met en scène avec son amant dans des moments amoureux d’un érotisme élégant qui ne choque plus. Les toiles où elle figure, et elles sont nombreuses, sont toutes éclairées par de grands yeux de houle marine, ses propres yeux dont elle connait le pouvoir d’envoutement.
La mort brutale d’Eugenio lors d’un exercice militaire en haute mer vient mettre fin à sa dernière histoire d’amour. Elle se réfugie dans la peinture et des aventures qu’elle veut brèves pour rester maitresse de ses désirs. Mais les amateurs se détournent de plus en plus de son travail et, lentement, l’incandescente et lumineuse Olin disparaît du champ artistique de Mexico.
A un peu plus de 40 ans on lui accorde un poste de maîtresse de dessin dans une école primaire. Retirée avec ses chats dans une maison héritée de son père elle délaisse la peinture pour se concentrer sur l’écriture.
Elle meurt chez elle, dans son lit, le 23 janvier 1978.
Frida Kahlo écrira et dira à son propos qu’elle avait été l’une des plus talentueuses et des plus révolutionnaires artistes de Mexico de la décade 1920 -1930.