Apprentissages
Alice Prin, fille naturelle élevée par sa grand-mère, est née le 2 octobre 1901 à Châtillon-sur-Seine en Bourgogne. A 12 ans elle rejoint sa mère, Marie Prin, linotypiste à Paris. A 13 ans elle est retirée de l’école pour être placée comme apprentie. Après plusieurs essais plus ou moins longs, plus ou moins vains, elle est engagée en 1917 comme bonne à tout faire dans une boulangerie. Elle n'y supporte ni les mauvais traitements de la patronne ni les allusions grivoises du patron et quitte son emploi au bout de quelques jours.
Après avoir posé nue pour un sculpteur elle est chassée de la maison par sa mère qui ne veut pas "d’une putain chez elle."
Alice Prin, fille naturelle élevée par sa grand-mère, est née le 2 octobre 1901 à Châtillon-sur-Seine en Bourgogne. A 12 ans elle rejoint sa mère, Marie Prin, linotypiste à Paris. A 13 ans elle est retirée de l’école pour être placée comme apprentie. Après plusieurs essais plus ou moins longs, plus ou moins vains, elle est engagée en 1917 comme bonne à tout faire dans une boulangerie. Elle n'y supporte ni les mauvais traitements de la patronne ni les allusions grivoises du patron et quitte son emploi au bout de quelques jours.
Après avoir posé nue pour un sculpteur elle est chassée de la maison par sa mère qui ne veut pas "d’une putain chez elle."
La gare Montparnasse
Désormais à la rue, désœuvrée, sans argent, elle traine avec une camarade d’infortune aux abords de la gare Montparnasse où une foule de malfrats, de proxénètes, de tapineuses, de badauds, de pervers, tous plus ou moins portés sur la dive bouteille, guettent leur proie - qui une gamine, qui un bourgeois imprudent, qui un étourdi égaré - mais le gibier le plus prisé, celui qui a la cote la plus élevée est le tendron de province qu’il est facile de séduire pour en faire ensuite une « fleur de trottoir.»
Un jour que les deux amies flânaient sur le boulevard un homme aborde Alice, que j’appellerai dorénavant Kiki de Montparnasse, pour lui proposer de montrer ses seins contre un peu d’argent. Kiki accepte, le suit dans une rue discrète, extrait du haut de sa robe ses deux seins, les laisse voir, les replace dans leur nid, tend la main vers l’homme qui lui tend l’argent. Kiki recommence ce petit manège sans conséquence qui lui permet de manger à sa faim. Mais ce n’est pas ce à quoi elle aspire ; les séances de poses chez le sculpteur lui paraissent infiniment plus prometteuses et au fond d’elle même c’est ce qu’elle désire le plus. Poser et plutôt pour un peintre que pour un sculpteur. Elle veut vivre la vie des artistes qu’elle aperçoit buvant et discutant dans les brasseries. Elle cesse d’aller du côté de la gare et commence à se montrer du côté de la Rotonde où on lui permet de s’installer près du bar. Il faut préciser qu'à l'époque il était défendu à une femme "en cheveux" de s'asseoir à la terrasse d'un café - il lui fallait impérativement un couvre chef. Kiki n'avait pas les moyens de s'en acheter un...
Désormais à la rue, désœuvrée, sans argent, elle traine avec une camarade d’infortune aux abords de la gare Montparnasse où une foule de malfrats, de proxénètes, de tapineuses, de badauds, de pervers, tous plus ou moins portés sur la dive bouteille, guettent leur proie - qui une gamine, qui un bourgeois imprudent, qui un étourdi égaré - mais le gibier le plus prisé, celui qui a la cote la plus élevée est le tendron de province qu’il est facile de séduire pour en faire ensuite une « fleur de trottoir.»
Un jour que les deux amies flânaient sur le boulevard un homme aborde Alice, que j’appellerai dorénavant Kiki de Montparnasse, pour lui proposer de montrer ses seins contre un peu d’argent. Kiki accepte, le suit dans une rue discrète, extrait du haut de sa robe ses deux seins, les laisse voir, les replace dans leur nid, tend la main vers l’homme qui lui tend l’argent. Kiki recommence ce petit manège sans conséquence qui lui permet de manger à sa faim. Mais ce n’est pas ce à quoi elle aspire ; les séances de poses chez le sculpteur lui paraissent infiniment plus prometteuses et au fond d’elle même c’est ce qu’elle désire le plus. Poser et plutôt pour un peintre que pour un sculpteur. Elle veut vivre la vie des artistes qu’elle aperçoit buvant et discutant dans les brasseries. Elle cesse d’aller du côté de la gare et commence à se montrer du côté de la Rotonde où on lui permet de s’installer près du bar. Il faut préciser qu'à l'époque il était défendu à une femme "en cheveux" de s'asseoir à la terrasse d'un café - il lui fallait impérativement un couvre chef. Kiki n'avait pas les moyens de s'en acheter un...
Soutine ou l’amant bref
C’est là qu'un jour d'hiver elle est remarquée par Chaïm Soutine, peintre exilé de Russie, qui lui propose de l’héberger. Leur cohabitation dure assez de temps pour que la jeune vierge de presque 17 ans se retrouve toute heureuse dans son lit. Elle se met à fréquenter le Dôme et la Coupole, les centres névralgiques de l’art qui se fait à Paris. Elle rencontre dans l’entourage de Soutine un peintre Polonais, Maurice Mendjizky, avec qui elle se met en ménage. La jeune femme commence dès lors une carrière de modèle et de chanteuse qui lui fera connaître le monde des peintres, des photographes, des sculpteurs, des surréalistes et des écrivains Américains de la Lost Génération. Tous ces artistes venus de tous les horizons du monde semblent s’être donnés rendez-vous à Paris, pour moitié à Montparnasse et pour l’autre à Montmartre.
Le rire de Foujita
La beauté plastique de Kiki de Montparnasse, de la tête aux pieds irréprochable selon Man Ray, et son caractère espiègle font sa renommée dans les ateliers. Elle pose pour de prestigieux peintres, Les Polonais Moïse Kisling et Gustav Gwozdeck, l’Italien Modigliani, le Néerlandais Kiss van Dongen, les Japonais Miçao Kono et Foujita… Lorsqu’elle est venue la première fois pour une séance de pose dans l’atelier (en réalité un garage aménagé) de Foujita elle avait sans attendre ôté son manteau et se montra complétement nue aux yeux du peintre. Foujita surpris par la facilité de Kiki à se déplacer dans le plus simple appareil l’adopta immédiatement - tout en s’extasiant (« c’est joli ! c’est joli ! ») devant son sexe presque imberbe. La jeune femme sentait l’effet qu’elle produisait sur le peintre et en était heureuse parce qu’elle était persuadée qu’elle participait aussi à l’élaboration de l’oeuvre. Ce qui n’était pas faux. La toile que peignit Foujita, Nu couché à la toile de Jouy, fit sensation au Salon d’automne de 1922 et sera vendue plus de 8000 francs de l’époque, une petite fortune.
Man Ray, l’amant aimé
Elle se coupe les cheveux au bol, cerne ses yeux de Khol, peint ses lèvres en rouge vif, se fait élire Reine de Montparnasse et mène avec constance et sans bruit une vie amoureuse abondante et très libre, multipliant ses amants qui deviennent pour la plupart ses amis.
Elle rencontre le photographe Américain Man Ray en 1921 et son cœur vacille. Elle devient sa maîtresse, son modèle et sa muse. On se souvient tous du dos de Kiki dans Le Violon d’Ingres et de son fin visage dans la série Noire et blanche. Elle participe, et cela la passionne, à des films expérimentaux que réalise Man Ray. Il lui présente la diaspora américaine de Paris, la photographe Lee Miller, les écrivains Hemingway et Scott Fitzgerald, les poètes et peintre André Breton, Francis Picabia, Max Ernst. Kiki se rend à Hollywood où elle espère, en vain, des propositions de films. Cette vie nouvelle, intense, folle, heureuse s’étend sur près de 4 ans. Puis Man Ray se sépare de sa muse mais reste fidèle, du point de vue artistique, à celle qui fut sa plus belle inspiration. Man Ray retourne aux Etats-Unis en 1940 où il épouse la danseuse et modèle Juliet Browner.
Les amis absents
Kiki, maîtresse de la nuit, se fait engager dans les cabarets où elle chante et danse. Mais l’âge venant, l’incomparable silhouette de Kiki se transforme sous l’effet de l’alcool et de la drogue. Son corps s’empâte et inspire moins les peintres dont un certain nombre d’ailleurs a quitté Paris, soit pour le Sud (Nice, Collioure, Cannes…) soit pour l’Amérique. A partir de la fin des années 30 de nombreux artistes juifs, Français ou Etrangers, font eux aussi la traversée de l’Atlantique pour trouver refuge à New York. Pour beaucoup Paris n'est plus une fête. Kiki poursuit difficilement sa carrière d’artiste entre le Dôme et la Rotonde et s’installe chez son nouvel amant, le journaliste Henri Broca, qui l’aide à rédiger ses Mémoires. Emballé par le projet Hemingway rédige la préface de l'édition américaine tandis que la revue Paris-Montparnasse publie en feuilleton les premiers chapitres du livre. Mais Henri Broca sombre dans la folie. De nouveau seule Kiki se console avec l’accordéoniste André Laroque qui l’accompagne dans ses tours de chants. Ils ouvrent ensemble un cabaret, le Kiki, qui fait assez vite faillite. Ayant considérablement grossi son amant l’aide à se défaire de l’alcool et de la drogue. Après une cure d’amaigrissement elle perd 15 Kg ce qui pousse Man Ray à la magnifier de nouveau dans des clichés que l'on peut voir à la fin de ce propos. Kiki pose une dernière fois pour le peintre norvégien Per Khorg qui trouve « sa croupe très belle. »
La Reine est morte, vive la Reine !
Kiki continue de survivre à tous ces départs. Mais la roue a tourné, ses amours à variable multiple sont moins glorieuses, deviennent plus communes. Son corps qui avait tant fait rêver, inspiré tant de chef d’œuvres, la lâche. Elle reste cependant la Reine de Montparnasse, une sorte de curiosité triste, un parfum fané que les touristes regardent avec un peu de gêne. Le règne de Kiki est à son crépuscule, elle le sait mais ne renonce pas.. Elle voit sur le Boulevard, aux terrasses des brasseries tout un peuple de jeunes femmes aussi libres qu’elle mais plus attirantes. Ces filles fraîches et décidées débarquent à la gare Montparnasse à deux pas de la Rotonde. Assez vite, les plus douées s’emparent de ce que l'on appelait le chic parisien, ce mélange diabolique de coquetterie, d’insouciance et d’élégance. Montparnasse à cet instant change de Reine. Kiki meurt le 23 avril 1953, six jours avant que la rejoigne Moïse Kisling l’un des peintres qui l’a le mieux représentée.
C’est là qu'un jour d'hiver elle est remarquée par Chaïm Soutine, peintre exilé de Russie, qui lui propose de l’héberger. Leur cohabitation dure assez de temps pour que la jeune vierge de presque 17 ans se retrouve toute heureuse dans son lit. Elle se met à fréquenter le Dôme et la Coupole, les centres névralgiques de l’art qui se fait à Paris. Elle rencontre dans l’entourage de Soutine un peintre Polonais, Maurice Mendjizky, avec qui elle se met en ménage. La jeune femme commence dès lors une carrière de modèle et de chanteuse qui lui fera connaître le monde des peintres, des photographes, des sculpteurs, des surréalistes et des écrivains Américains de la Lost Génération. Tous ces artistes venus de tous les horizons du monde semblent s’être donnés rendez-vous à Paris, pour moitié à Montparnasse et pour l’autre à Montmartre.
Le rire de Foujita
La beauté plastique de Kiki de Montparnasse, de la tête aux pieds irréprochable selon Man Ray, et son caractère espiègle font sa renommée dans les ateliers. Elle pose pour de prestigieux peintres, Les Polonais Moïse Kisling et Gustav Gwozdeck, l’Italien Modigliani, le Néerlandais Kiss van Dongen, les Japonais Miçao Kono et Foujita… Lorsqu’elle est venue la première fois pour une séance de pose dans l’atelier (en réalité un garage aménagé) de Foujita elle avait sans attendre ôté son manteau et se montra complétement nue aux yeux du peintre. Foujita surpris par la facilité de Kiki à se déplacer dans le plus simple appareil l’adopta immédiatement - tout en s’extasiant (« c’est joli ! c’est joli ! ») devant son sexe presque imberbe. La jeune femme sentait l’effet qu’elle produisait sur le peintre et en était heureuse parce qu’elle était persuadée qu’elle participait aussi à l’élaboration de l’oeuvre. Ce qui n’était pas faux. La toile que peignit Foujita, Nu couché à la toile de Jouy, fit sensation au Salon d’automne de 1922 et sera vendue plus de 8000 francs de l’époque, une petite fortune.
Man Ray, l’amant aimé
Elle se coupe les cheveux au bol, cerne ses yeux de Khol, peint ses lèvres en rouge vif, se fait élire Reine de Montparnasse et mène avec constance et sans bruit une vie amoureuse abondante et très libre, multipliant ses amants qui deviennent pour la plupart ses amis.
Elle rencontre le photographe Américain Man Ray en 1921 et son cœur vacille. Elle devient sa maîtresse, son modèle et sa muse. On se souvient tous du dos de Kiki dans Le Violon d’Ingres et de son fin visage dans la série Noire et blanche. Elle participe, et cela la passionne, à des films expérimentaux que réalise Man Ray. Il lui présente la diaspora américaine de Paris, la photographe Lee Miller, les écrivains Hemingway et Scott Fitzgerald, les poètes et peintre André Breton, Francis Picabia, Max Ernst. Kiki se rend à Hollywood où elle espère, en vain, des propositions de films. Cette vie nouvelle, intense, folle, heureuse s’étend sur près de 4 ans. Puis Man Ray se sépare de sa muse mais reste fidèle, du point de vue artistique, à celle qui fut sa plus belle inspiration. Man Ray retourne aux Etats-Unis en 1940 où il épouse la danseuse et modèle Juliet Browner.
Les amis absents
Kiki, maîtresse de la nuit, se fait engager dans les cabarets où elle chante et danse. Mais l’âge venant, l’incomparable silhouette de Kiki se transforme sous l’effet de l’alcool et de la drogue. Son corps s’empâte et inspire moins les peintres dont un certain nombre d’ailleurs a quitté Paris, soit pour le Sud (Nice, Collioure, Cannes…) soit pour l’Amérique. A partir de la fin des années 30 de nombreux artistes juifs, Français ou Etrangers, font eux aussi la traversée de l’Atlantique pour trouver refuge à New York. Pour beaucoup Paris n'est plus une fête. Kiki poursuit difficilement sa carrière d’artiste entre le Dôme et la Rotonde et s’installe chez son nouvel amant, le journaliste Henri Broca, qui l’aide à rédiger ses Mémoires. Emballé par le projet Hemingway rédige la préface de l'édition américaine tandis que la revue Paris-Montparnasse publie en feuilleton les premiers chapitres du livre. Mais Henri Broca sombre dans la folie. De nouveau seule Kiki se console avec l’accordéoniste André Laroque qui l’accompagne dans ses tours de chants. Ils ouvrent ensemble un cabaret, le Kiki, qui fait assez vite faillite. Ayant considérablement grossi son amant l’aide à se défaire de l’alcool et de la drogue. Après une cure d’amaigrissement elle perd 15 Kg ce qui pousse Man Ray à la magnifier de nouveau dans des clichés que l'on peut voir à la fin de ce propos. Kiki pose une dernière fois pour le peintre norvégien Per Khorg qui trouve « sa croupe très belle. »
La Reine est morte, vive la Reine !
Kiki continue de survivre à tous ces départs. Mais la roue a tourné, ses amours à variable multiple sont moins glorieuses, deviennent plus communes. Son corps qui avait tant fait rêver, inspiré tant de chef d’œuvres, la lâche. Elle reste cependant la Reine de Montparnasse, une sorte de curiosité triste, un parfum fané que les touristes regardent avec un peu de gêne. Le règne de Kiki est à son crépuscule, elle le sait mais ne renonce pas.. Elle voit sur le Boulevard, aux terrasses des brasseries tout un peuple de jeunes femmes aussi libres qu’elle mais plus attirantes. Ces filles fraîches et décidées débarquent à la gare Montparnasse à deux pas de la Rotonde. Assez vite, les plus douées s’emparent de ce que l'on appelait le chic parisien, ce mélange diabolique de coquetterie, d’insouciance et d’élégance. Montparnasse à cet instant change de Reine. Kiki meurt le 23 avril 1953, six jours avant que la rejoigne Moïse Kisling l’un des peintres qui l’a le mieux représentée.
Peintres et photographes
Chaïm Soutine (Russe) 1891-1943
Maurice Mendjiski (Polonais) 1890-1951
Foujita (Japonais) 1886-1968
Amédéo Modigliani (Italien) 1884-1920
Gutav Gwozdecki (Polonais) 1880-1936
Man Ray (Américain) 1890-1976
Moïse Kisling (Polonais) 1891-1953
Kees van Dongen (Néerlandais) 1877-1869
Miçao Kono (Japonais) 1876-1954
Per Grohg (Norvégien) 1889-1965
Albert Abou (?)
Alexander Calder (Américain) 1898-1976
Luigi Corbellini (Italien) 1901-1968
Pablo Gargallo (Espagne) 1881-1934
Julian Mandel (Alsace) 1872-1935
Brassaï (Hongrois) 1899-1984
Galerie
Chaque peintre de cette galerie a représenté, avec son style et sa verve, sa Kiki de Montparnasse. Kiki débordait d'une sensualité animale, immédiate, qui subjuguait l'artiste face à elle. Les toiles ci dessous disent toutes la tension amoureuse qui a présidé à leur conception et le lien formidable de franchise sexuelle qui unissait les peintres à leur modèle.
Ecole Française - Portrait présumé de Kiki de Montparnasse nue. Fusain, sanguine et rehauts, vers 1940
Sculpture
Photographies - Man Ray
Man Ray, Kiki de Montparnasse
Nus
Cette photo n'a pas été prise par Man Ray. Elle a été prise en Bretagne par Thérèse Treize, l'amie de Kiki. Kiki a donné cette photo à Kisling - lui aussi surnommé Kiki. Sous les mots "A mon très cher Kiki Kisling" on peut, lire à demi effacés, ces mots: " Amoureuse, je me donne à toi."
Une autre manière de voir
Kiki de Montparnasse photographiée par Julian Mendal
Autres photographes
Brassaï, Kertész André, Franc Lamy