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Honorine ressemblait à La Nuit sculptée par Michel Ange

Résumé
Honorine, 1843. Le spleen du mariage. L’héroïne épouse à 19 ans Octave de Beauvais, 26 ans. Elle s’ennuie. Elle s’en va. Chez un autre. Qui la quitte. Elle est enceinte. Mais elle a connu le plaisir des sens. Désormais seule, elle travaille de ses mains : elle fabrique des bouquets. Octave, qui l’aime toujours, veille sur elle. Cela dure des années. Elle finit par retourner chez son mari. Elle en meurt.

Le roman
Honorine, remanié et publié dans sa forme définitive en 1843, est constitué de 40 chapitres courts, tous avec un titre. Ce découpage opéré par Balzac est destiné à enfaciliter la lecture ou pour sacrifier à la forme du roman feuilleton, alors très en vogue.
Balzac dédicace tardivement Honorine à Achille Devéria, peintre que l’auteur appréciait. Devéria a laissé, travaillant parfois avec son frère, nombre de tableaux et de dessins illustrant la vie des femmes, mais surtout des Parisiennes, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet.

Considérations sur le voyage en Italie
Le roman débute par la description d’un paysage italien : la rade de Gênes précisément. Un jardin entourant une magnifique demeure – celle du Consul de France – sert de décor à la réunion d’un petit nombre de personnages, des Français en voyage reçus dans la demeure du diplomate.
L’histoire commence par les considérations du narrateur sur les différents types de voyageurs.
Si les Français répugnent au voyage et que les Anglais au contraire le pratiquent c’est que les premiers ont du mal à trouver quelque chose de mieux que les charmes de la France et que les Anglais trouvent toujours quelque chose de meilleur que l’Angleterre.
On peut trouver du confort dans d’autres villes mais les idées de Paris, son génie, son esprit ses sous-entendus qui sont la moitié de langue sont introuvables ailleurs.
L’émigration est un contre sens dans la nation française.
La cuisine française comme son art sont mis au rang de la mythologie, rare comme la femme dont il sera question dans cette histoire.

Gêne, Italie
Nous sommes à Gênes en Italie pendant l’année 1836 à l’heure où la pureté de la mer lutte avec la pureté du ciel quand »les flots de la Méditerranée se suivent comme les aveux d’une femme. » Dans un palais loué par le Consul de France avec son jardin « et ses marbres à bouche béantes d’où l’eau coule avec mystère. »
L’hôte de ce lieu, le marquis de Négro, « ce frère hospitalier de tous les talents qui voyagent » était entouré du monde le plus intéressant qui soit. Outre les officiels de l’ambassade de France, il y avait Claude Vignon (Gustave Planche), le critique, Léon de Lora, le célèbre paysagiste que Mademoiselle des Touches, connue sous le nom de Camille Maupin (George Sand) dans le monde des lettres, promenait en Italie, de Florence à Milan, de Rome à Gênes savourant une tranquillité que Paris refus « à ceux sur qui le monde a les yeux. » Sur la liaison de Camille Maupin avec Claude Vignon voir Béatrix.
Revenons à cette petite réunion dans les jardins du Consul de France à Gênes et regardons précisément l’homme qui occupe cette haute fonction diplomatique.
Marié depuis six ans, le Consul est âgé de 34 ans. Beau comme Byron. Mais si l’un était  poète, le Consul est poétique – ce qui explique l’attachement de certaines femmes à ce type d’homme.
A Gênes nous apprend le narrateur les femmes sont exhérédées – elles sont dons sans dot, c’est à dire sans aucune richesse. A l’exception de l’épouse du Consul, la belle Onorina Pedrotti, fille d’un banquier, qui en mourant six mois après son mariage, lui a laissé une immense fortune, évaluée à deux millions, gagnée dans le commerce du blé.
Les mariés forment donc un couple beau et riche vivant, avec leurs deux enfants, un bonheur sage et mesuré. Le Consul, protégé à Paris, fut crée baron et le roi de Sardaigne nomma comte le père de la jeune mariée.

Le Consul
Par son mystère et son air différent des autres, il intriguait Mademoiselle des Touches, écrivain fin et raffiné, qui ne comprenait pas pourquoi le consul demeurait encore à Gênes malgré sa grande fortune et les protecteurs parisiens qui veillaient sur lui.
Le Consul montrait à tout instant « le calme absolu des Anglais, des sauvages, des Orientaux et des diplomates consommés. »
« En parlant de littérature, on parla de l’éternel fonds de boutique de la République des Lettres : La faute de la Femme. »
Deux opinions s’opposent dans ce petit club formé d’hommes et de femmes de haute culture. Les trois femmes présentes furent impitoyables pour la femme fautive alors que les hommes pensaient qu’il pouvait « rester des vertus à une femme après sa faute. »
Le consul comprenant que la discussion allait être vive et précise prétexta la fatigue des enfants et le besoin de consulter un portefeuille laissé sur un meuble de Boule pour éloigner sa femme – qui comprit et s’en alla.
Le consul s’étant débarrassé de la présence d’Onorina se met à raconter sa propre histoire pour appuyer la thèse du pardon à la femme fautive qu’il défendait avec une sorte de connaissance préalable.

Retour à Paris, à la fin de l'année 1824
Après avoir été reçu à ses examens de fin d’études en droit, l’oncle du futur consul, curé des Blancs Manteaux, le place grâce à l’intervention du Garde des Sceaux comme secrétaire auprès du Comte Octave, un éminent homme d’Etat (il est haut magistrat et ministre d’Etat) de la Restauration.
Ce prêtre n’est pas un inconnu pour le lecteur de La Comédie humaine. En effet il apparaît, comme curé de Saint Sulpice, dans La Rabouilleuse, César Birotteau, Un début dans la vie.

Maurice, secrétaire d’un homme d’Etat
La place offerte au jeune homme est des plus intéressantes. Le comte Octave, son nouveau patron, qui fréquente la Paroisse Saint Paul, lui alloue 2400 francs d’appointements plus 1200 francs pour sa nourriture (il ne sera pas admis à la table du comte) et un logement tout équipé. Son oncle lui prodiguait les conseils les plus avisés, notamment la discrétion, la première qualité des hommes qui se destinent à des fonctions publiques. Il prévient son neveu que le comte est un homme défiant , méfiant, prudent car il a été trompé par son premier secrétaire.
Plein de sollicitudes quasi maternelles (le curé est le frère de sa mère) le vieillard par sa bonté vigilante n’avait pas besoin d’avoir recours aux sermons ni aux reproches pour guider son neveu dans la voie qui devait le faire réussir. Le curé devine les demandes d’un corps juvénile plein du désir de plaire et de se réaliser. Mais, s’il n’est pas complètement innocent - peut-être a-t-il eu quelques aventures d’étudiant - il ne sait rien des femmes du monde ou des bourgeoises.
Le vieil homme fait confiance en son neveu et celui-ci, de reconnaissance, l’embrasse comme si c’était sa mère retrouvant dans le sourire de son oncle la bonté perdue avec la mort de sa mère. Un sourire, dit Balzac, qui rectifie la laideur primitive du curé.
Jeune homme pieux, Maurice pourtant s’adonne, après les arides travaux d’étudiant en droit, au plaisir de la littérature. Il lit l’œuvre des grands littérateurs modernes, puis celle des Anciens.
Il s’amourache du théâtre. Il y va. Rêve de rencontrer La femme qui le sauvera de sa double misère : sociale et sexuelle. Il se dit même qu’il est prêt à suivre dans la rue une femme qu’il aura remarqué et lui dire son amour jusqu’à ce qu’elle lui cède, émerveillée par sa constance (Gambarra).
Il rêve aussi rencontrer ces espèces de divinités que sont les célébrités comme Canalis (Un début dans la vie) et Camille Maupin - à qui il parle en ce moment, à Gênes, dans sa luxueuse villa. Mais ce qui le fera parvenir, se dit-il, c’est le travail par quoi on est admis et reconnu dans le monde. L’évolution est nette ici : il y a peu, le nom seul permettait tous les espoirs. Aujourd’hui, le nom ne suffit plus : il faut se faire connaître par le travail qui procure l’argent et la renommée.
C’est dans cet esprit que Maurice prend ses fonctions chez le Comte. Quittant la pauvre chambre d’étudiant il va vivre désormais chez son employeur.

Rue Payenne
La nouvelle demeure du jeune homme se trouve  ni dans l’un des deux Faubourgs réputés par leurs aristocratiques habitants ni dans le nouveau quartier riche de Paris, la Chaussée d’Antin, mais rue Payenne, dans le Marais près de l‘Hôtel de Ville.
L’hôtel dans lequel pénètre Maurice est aussi grand que l’hôtel Carnavalet (est-ce l’actuel Musée du même nom ?) sis entre cour et jardin. Cet hôtel semble à l’abandon : on y voit de l’herbe pousser entre les pavés de la cour, les murs noirs, une écurie presque vide, une vieille voiture sur laquelle s’affaire un vieux cocher… Les toits sont hauts comme ceux des Tuileries.
Tout est grand dans cet hôtel. On dirait, dit Balzac, une cathédrale. Maurice avance toujours, arrive à une deuxième cour où pourrissaient des portes. La façade était morne comme un immeuble appartenant à l’Etat ou à la Couronne. Sur une porte était encore écrite la phrase suivante : « Parlez au suisse ». Il parvient à un escalier magnifique, digne de Versailles, aussi grand qu’une maison moderne et où huit personnes pouvaient monter de front.
D’immense salles sont encore traversées remplies de vieux meubles qui auraient fait le bonheur d’un antiquaire. Il arrive enfin à un cabinet en équerre donnant sur un grand jardin.

Le comte Octave
Maurice à ce moment est enfin nommé : Maurice de l’Hostal.
Le comte Octave, le maître des lieux, les attend. Voici comment Maurice le voit.
Il est de très vieille noblesse. De moyenne taille, il est maigre et sec avec une figure creusée, une bouche indiquant à la fois l’ironie et la bonté, un vaste front- n’allant pas avec un petit menton rapproché de la lèvre inférieure. Il a des yeux bleus turquoises vifs et intelligents (Talleyrand) et qui pouvaient devenir mornes. Cheveux gris. Son teint était non blanc mais jaune supposant un caractère irritable et recouvrant des passions violentes ; ses mains étaient belles, blanches comme celles des femmes.
Le comte était déjà rasé, près à aller à la Chambre ou au Conseil des Ministres.
Maurice comprend à le regarder que les personnes réellement grandes sont simples. Le sentiment rapproche, se dit-il, les distances morales créées par la société.
Le curé qui présente son neveu au comte est transfiguré par le bonheur : il devient beau alors que pour le comte, constate Maurice, c’est l’inverse. La tristesse en a fait un vieux prématuré, comme si sa jeunesse s’était ensevelie sous une épaisse couche de chagrin.
Le comte lui met à disposition un appartement complet et lui montre l’endroit où il travaillera : une bibliothèque fastueuse sur les murs desquels sont accrochés des tableaux de maître.
Il parait avoir 55 ans. En réalité la quarantaine. Précisément 37 ans. Comme si des excès l’avaient trop tôt abîmé faisant naître chez Maurice l’idée « que nous sommes tous sujets à d’honorables erreurs. »
Le comte observé laisse deviner à Maurice une grande douleur cachée et montre la façon de la neutraliser : l’action, c'est-à-dire pour l’homme social et public qu’il est le travail en abondance afin de se préserver du découragement.
Les deux hommes se donnent un mois pour s’accoutumer l’un à l’autre. Au bout de trois mois Maurice se rend compte que la douleur est toujours là, malgré la vie active du comte. Cette ardeur au travail semblait pour Maurice  un dérivatif, tromper « une autre passion. » Sa devise était claire. Elle disait « je souffre et je me tais. »
Il se cachait de Maurice, ne le regardait pas en face par exemple, pour ne pas avoir à parler. Une curieuse manie le faisait aimer les fleurs fanées, comme une image de sa propre destinée. Parfois Maurice a l’impression que le comte est sur le point de lui confier son secret, mais quelque chose l’arrête devant la demande secrète du regard de Maurice qui lui dit comme à un complice possible : « parlez le premier. »
Le comte présentait à Maurice « tous les attraits d’un problème. »
Pour le narrateur il fallait pour comprendre cette étonnante situation, le secret de ce malheur silencieux, chercher La Femme. Octave ne dort que quatre heures par nuit : sa tristesse a emporté le sommeil. Cet homme juste, savant, honnête était puni par Dieu comme s’il était un criminel.
Pourtant ce dernier, nous dit le narrateur, « cultivait Dieu  comme certaines honnêtes gens cultivaient un vice, avec mystère. » Il se rendait à la première messe, celle des artisans et des domestiques, pour ne pas être vu, pour bien montrer que sa foi n’avait rien d’ostentatoire mais qu’elle était sérieuse et vraie et que peut-être il en attendait non pas une récompense mais une réponse.

Un mystère
Maurice s’attache filialement au comte. Il s’occupe des finances de son patron. Il redonne un certain lustre à la maison en opérant des changements radicaux tout en faisant faire des économies au magistrat.
Le comte avait 160000 francs de rente. Il percevait également les émoluments de trois fonctions dont les places n’étaient pas concernées par la loi sur le cumul.
Les dépenses de la maison s’élevaient, à l’arrivée de Maurice, à 60000 francs par an dont la moitié était consacrée aux gages des domestiques.
Maurice s’attaque à cette gabegie. Il renvoie les anciens serviteurs qui sont chassés comme des fripons et grâce à son oncle le curé en engage de nouveaux, plus sérieux, plus travailleurs et moins resquilleurs. Le comte un brin amusé et vexé lui apprend qu’en sept ans deux de ses cuisiniers se sont installés et sont devenus de riches restaurateurs.
Il avoue indirectement qu’il a été volé, lui dont le métier est de juger entre autres les voleurs. Tout compte fait, Maurice calcule que le comte a perdu 300000 francs en sept ans.

Deux ans après
A la fin de la deuxième année, le comte retrouve un confort qu’il avait manifestement oublié.
Les jours de réception les dîners sont servis par Chevret, le « marchand de comestibles du Roi, de Madame et de la maison de Condé » installé dans la Galerie de verre au Palais-Royal.
Les invités du comte sont le plus souvent ses pairs : M de Serisy (Splendeur et Misère des Courtisanes), que sa femme n’aime pas et M de Granville (Une Double famille) abandonné par sa maîtresse, Caroline Crochard et par sa femme, trop dévote pour se laisser aimer même conjugalement. On voit, dans La Comédie Humaine, Granville  protégé par Cambacérès s’élever aux plus hautes fonctions de l’Etat et habiter, sous la Monarchie de Juillet, un très bel hôtel particulier.
Au début de l’année 1826 Maurice a l’entière confiance du comte. Le temps de l’observation est terminé. Ils deviennent amis dans la mesure de leurs situations respectives. Pendant ces deux années passées auprès du comte Maurice a énormément appris et lorsqu’un jour le comte présente un travail du jeune homme comme étant le sien, l’apprentissage est achevé.
Maurice représentait le comte dans le monde. il sortait à sa place et rencontrait les personnes les plus en vue du monde de la politique, de la finance, du commerce et de l’élégance. Il avait remarqué que lorsqu’il répondait à une invitation en empruntant la voiture de son maître, il le voyait s’en aller en cabriolet de louage et disparaître dans la nuit. Pour aller où ne s’empêchait-il pas de penser.
Un soir de cette année il perd au jeu chez Mme de Serisy. Il le raconte au comte qui le rassure, lui ouvre un compte pour le jeu car dit-il, « puisque vous y allez à ma place, je dois agir avec vous comme si c’était moi qui jouait. »
Cette confiance, cette presque familiarité pourtant n’éclairait pas « les souterrains qu’il avait reconnu dans sa vie secrète. »
Le manège dure ainsi un certain temps : Maurice dans le monde, Octave s’absentant et revenant dans ce cabriolet de place comme s’il revenait d’un lieu où il pouvait assouvir « ce vice caché » que le jeune homme ne pouvait pas ne pas envisager. Maurice songe aux 600000 francs que le comte devait placer : où sont-ils ? Qu’en a-t-il fait?
Un matin Maurice voit le comte sur le bord de la rue en grande discussion avec une vielle femme entre Saint Paul et l’Hôtel de Ville.
A son retour, dans le jardin de l’hôtel, le comte présente un visage presque heureux. Au milieu du jardin se trouve un bassin en marbre où nagent des poissons rouges. Autour de ce bassin de belles fleurs. Le comte tout à ses pensées donnait du pain émietté à ses poissons et, aux yeux de Maurice, rendait passionnant ce geste mécanique consistant à donner à manger à ces petites bêtes. Il aperçoit alors les deux regards du comte :
Le regard de l’homme heureux quand ses yeux se veloutent et prennent la couleur pervenche
Le regard de l’homme malheureux quand ils se durcissent et prennent la couleur turquoise.
La vie de Maurice avait changée, on l’a dit. Il avait été nommé auditeur au conseil d’Etat puis, depuis qu’il avait fait ses preuves, maître des requêtes.

Une discussion éclairante
Le conseil, constitué de Serisy et Granville se réunissait parfois par commodité chez le comte. C’était l’occasion pour Maurice, qui fut désigné naturellement comme secrétaire de la séance, d’approcher les hommes influents qu’ils étaient mais aussi ces soirées lui apportaient des connaissances supplémentaires d’ordre professionnel et des informations d’ordre privé sur ces trois hauts personnages. La réunion tardant, neuf heures, l’heure du dîner, est annoncée par le maître d’hôtel. Le comte ayant invité les deux curés de son quartier, la soirée se passe entre ces deux hommes d’église et les magistrats.
Il découvre le secret ce soir là. Le comte se met à parler et c’est un fieffé conteur qui en remontrerait à Charles Nodier. Granville intervient aussi et explique son antipathie des curés, mais pas tous module-t-il, malgré le mal que certains lui ont fait. La « répugnance pour la soutane » de Granville ne s’applique pas aux deux invités du comte. Il y a, il est vrai, l’oncle de Maurice, l’abbé Loraux. Et l’abbé Gaudron, « un bœuf sacerdotal, inoffensif malgré un corps « carré de base comme de hauteur. Sa bonhomie  naïve et sa foi toute paysanne amuse les Parisiens qui sont avec lui.
La discussion, animée par l’oncle de Maurice, se centre « sur l’une des plaies inhérentes à l’état social : l’adultère. »  Pour l’Eglise, dit-il, c’est un crime, pour l’Etat, c’est un délit. L’adultère n’a cure de la loi, il « se rend en carrosse à la police correctionnelle. » Il y aurait donc la morale du Monde et la Morale du Code.
Pour lui il faudrait, comme autrefois, enfermer pour toujours l’épouse coupable dans un couvent.
C’est alors qu’Octave prend la parole pour approuver la sagesse des Orientaux à propos du problème de la femme. Il leur donne raison, eux dit-il, qui les enferment et ne les considèrent que comme un objet de plaisir, obéissants et beaux. L’Europe, par l’action de l’Eglise, a inventé le mariage indissoluble, ce qui est une sottise. De plus elle a oublié de prendre en compte la diversité des climats et des mœurs. Ainsi sous certains cieux, « la femme est nubile à sept ans et plus que vieille à vingt-cinq. » Le comte qui sait que, comme toujours, les mœurs modifient les lois, pense que la loi serait parfaite en France si « elle proclamait l’exhérédation des filles. »

Le secret dévoilé
C’est le comte de Granville qui, par inadvertance presque, résume la situation sentimentale des chacun des trois membres du Conseil. « Moi j’ai une femme avec laquelle je ne puis plus vivre. Serisy a une femme qui ne veut pas vivre avec lui. Toi, Octave, la tienne t’a quitté. » Ces trois cas de conscience conjugale, énumérés par le président Granville, éclairent d’un seul coup Maurice sur le comportement pour le mois étrange du comte devenu, à l’évocation de sa femme, brutalement mélancolique.
Cette sortie inattendue choque violemment Octave qui fait comprendre à son indiscret ami que son secrétaire n’était pas au courant de ses affaires de coeur.
Serisy tente de faire diversion en disant qu’on ne peut réglementer les sympathies et les antipathies humaines et que la loi sociale la plus parfaite était celle qui se rapprochait de la loi naturelle. Mais la chose devinée est dite et la parole attendue depuis si longtemps par Maurice est enfin proférée par le comte quelques jours plus tard. Maintenant, dit-il, « vous savez le secret de ma vie. »

L’histoire du comte
La femme d’Octave s’est enfuie après trois ans de mariage. Il l’apprend par une lettre laissée par elle, il y a de cela sept ans. Le scandale vite étouffé indique que la vie intime est devenue une question sociale, étalée dans les journaux, ce qu’elle n’était pas jadis. Pour le monde, la comtesse passe pour morte, victime d’un naufrage en mer. Et depuis, il vit  « en célibataire marié » dans une immobilité que les gens ignorants prennent pour de l’inertie.
Le comte décide de tout raconter à son secrétaire et commence par parler de la femme qu’il porte toujours dans son cœur comme on porte une croix, la femme qu’il a épousée et qui l’a trahi : Honorine.
Le relais narratif passe alors de Maurice à Octave.
Octave revenant vivre dans sa famille après une longue absence découvre cette jeune fille  de 16 ans, riche et belle, la pupille de sa mère qu’elle élève. Pure, rieuse, elle ne se posait pas de question, ne cherchait pas, par exemple, à donner un nom aux « émotions involontaires » qui la faisaient frissonner certains « beaux jours de printemps ». Jamais ni la honte ni les pleurs « n’avaient altérés sa joue ou mouillé ses yeux. »  Elle attendait le mariage sans le désirer, ne
sachant rien du monde ni les dangers de la société. Balzac observe que cette ignorance tient à son éducation qui interdisait aux jeunes filles bien nées de lire les romans montrant la corruption du monde.
De fortune et de naissance égales, Octave et Honorine se marient après dix huit mois de « fiançailles » exigés par la mère du comte.  Elle a 19 ans, lui 26.
Dix huit mois après la mort des parents d’Octave, qui sont un peu aussi ceux d’Honorine, la lettre annonçant la fuite de l’épouse lui parvient et le laisse hébété. Il ne comprend pas, il n’a rien vu venir, rien deviné.

Les questions d'Octave
Le mariage n’enchante pas le jeune femme, instruite peut être sans précaution aux choses de l’amour par un mari inhabile. « L’amour périt sous la férule du professeur » admet, mais trop tard, Octave. Peut-être n’a -t-il pas su réaliser ce qu’attendait Honorine. Les amours et les empires meurent-ils par trop de confiance ou par trop de sévérité ? se demande-t-il.
Se confessant ainsi devant son secrétaire, le comte semble avoir toute la clémence du Christ pour la femme adultère. Il absous sa femme et se condamne sans appel.
Revenant sur les motifs de la fuite il se demande si ce n’est pas à cause des sens qu’elle a ainsi agi. Par répugnance pour lui qui l’a initié sans songer si elle partageait le plaisir qu’il prenait d’elle. Ou autre chose, mais quoi ? Il ne sait. Son ironie d’homme supérieur ? L’inexpérience de sa femme, son innocence, qui l’aurait fait céder « au premier homme qui l’aurait violemment émue » ?
Il était amoureux de sa femme et pensait qu’elle l’aimait en retour. Octave reconnaît que cet « amour sans discernement est la faute majeure du mari qui permet toutes celles de la femme. » Il a méconnu « les lois du code féminin. »
Sans cesser de l’adorer et pour ne pas devenir fou, sa foi lui interdisant de se suicider, il se plonge dans le travail. Les habitudes reviennent – mais jamais sa pensée ne s’éloigne d’elle. Il a tenté, dit-il à Maurice, d’aller voir d’autres femmes. Mais il « est toujours resté au seuil de l’infidélité », incapable de passer à l’acte parce que, à chaque fois, le souvenir « de sa peau suave à travers laquelle on voit le sang courir et les nerfs palpiter » le ramenait à elle.
L’amour d’Octave pour sa femme s’est transformé en passion absolue – comme celle d’un vieillard pour une petite danseuse.

Qu'est devenue Honorine?
Dans cette situation la société, s’insurge Octave,  s’apitoie sur un amant alors qu’elle n’a que railleries pour les maris qui n’ont pas su conserver leur femme. Serisy, par exemple, « qui ne reste marié qu’à cause de sa femme » est vu avec sympathie par le monde parce qu’il continue à protéger son épouse alors qu’il est outrageusement trompé par elle.
Octave apprend à son secrétaire que sa seule raison de vivre actuelle, n’en pouvant plus « d’un amour sans aliment », est le reconquête de sa femme.
Honorine en fuyant n’a pris que la toilette qu’elle portait. Son séducteur qui espérait recueillir sa fortune, l’abandonne enceinte au bout de quelques mois.
Il pensait sans doute qu’Honorine ferait comme les grandes dames qui s’exilaient en Suisse ou en Italie avec leur amant.
Seule, elle accouche d’un enfant qui meurt « heureusement » à sept mois.
Pour vivre elle se met à confectionner des fleurs et de la mode sous le nom de Madame Gobain et servie par un personnel tenu par des promesses de récompense par le mari. Elle ne sait pas que toute sa production est achetée par son mari, qui la protège ainsi à son insu.
Honorine, qui est pieuse, ne se confesse jamais de crainte de ce que lui intimerait son confesseur.
Octave a tenté une fois de renouer avec sa femme. Immédiatement Honorine  déménage croyant de la sorte échapper à son mari.
Le comte raconte une de ses joies. Avec la complicité de sa femme de chambre il lui fait acheter un châle prétendument avoir appartenu à une actrice et dans lequel il s’était couché toute une nuit.
Les deux mots qui résument la vie d’Octave « j’aime et j’attends » bouleversent Maurice tout surpris de cette longue confidence.
Octave dans l’espoir de voir revenir un jour sa femme a acheté un hôtel, Faubourg Saint Honoré pour qu’elle ne revoit plus celui d’où elle s’est enfuie. Un poète, dit-il, s’est offert le plus beau lit de Paris sans savoir s’il était aimé par la femme de ses pensées. A Compiègne, ajoute-t-il, Napoléon s’est roulé dans son lit de noce trois jours avant son mariage avec Marie Louise.
Octave aime en poète et en Empereur.
Mais il se sent à bout, « son intense passion physique » l’épuisant. Il a dépensé tout ce qu’il pouvait « comme clémence, comme bonté, comme amour. »

Une proposition
Le comte demande à Maurice s’il peut lui être « romanesquement dévoué », s’il peut se faire son avocat auprès de sa femme. Maurice, instinctivement, répond qu’imaginant sa femme il risque de tomber amoureux d’elle. « Vous irez ganté » et lui propose sa cousine Amélie, âgée de vingt ans, avec en dot le titre de  baron, une promotion au conseil d’Etat et  le vieil hôtel  dans lequel ils sont en train de discuter.
Il s’agira d’occuper une maison près de celle d’Honorine, de lier connaissance avec elle et de plaider ensuite la cause du comte.
Maurice accepte.
Vingt jours plus tard il aménage rue Saint Maur dans une maison, mitoyenne de celle d’Honorine ayant en commun le jardin refaite en un temps record grâce à « Paris, l’ouvrier français, l’argent ! » Il fait croire à son entourage qu’il est jardinier, monofleuriste, passionné par les dahlias, un sauvage qui a trop étudié et neveu d’un « beau vieillard bien laid », le curé des Blancs-Manteaux. De plus, on dit qu’il n’aime pas les femmes et pour que les femmes ne s ‘en méfient pas, il se comporte en hurluberlu.

Honorine rencontrée
En mai, « par une belle soirée », il rencontre Honorine, « ouvrière fleuriste », pour discuter d’un mur qu’il a l’intention de bâtir pour séparer les deux jardins. En la voyant de près Maurice est d’abord frappé par sa blancheur, « une fleur céleste », une blancheur particulière car il y autant de blancs, se dit-il, qu’il y a de bleus ou de rouges. Sa beauté italienne procède autant du ciel que de la terre, avec sa « bouche voluptueuse, ses yeux bruns et ses cheveux cendrés » et ses formes qui « réveillent l’amour quand il se croit épuisé. » Maurice est séduit par le parfum de cette femme de vingt neuf ans qui sent la violette.
Elle est une fleur pour le regard, une fleur pour le toucher, une fleur pour l’odorat, une fleur céleste pour l’âme.
Elle inspire, se dit Maurice, le dévouement sans récompense. Pour l’heure elle est distante avec cet homme qui la dérange : « les femmes, quand elles n’aiment pas, ont toutes le sang froid d’un vieil avoué ». Quant à Maurice, jouant son rôle de monomaniaque, il n’a « jamais eu une pensée pour elle dans les yeux. »
Le jeune homme, à force, arrive à pénétrer chez elle. Le lieu, « une retraite pleine de livres et de curiosités, parée comme un boudoir », est en harmonie avec celle qui l’occupe,
discret, raffiné, secret : « il y régnait une exquise simplicité. »  Elle avait réussi à poétiser ce qui est à l’antipode de la poésie : une fabrique, l’atelier où elle travaille. Tout renvoyait à la « bonbonnière inventée au XVIIIe siècle pour les jolies débauches d’un grand seigneur. » On était dans cette maison si coquette « à cent lieues de Paris. »
Elle lui parle de son travail, réel, délicat et long. Elle a le talent d’une artiste et sa modestie. Elle imagine un langage féminin qui s’exprimerait dans la manière de disposer des fleurs dans ses cheveux : « Combien de choses une femme ne pourrait-elle pas dire avec sa coiffure ?  N’y a-t-il pas des fleurs pour les bacchantes ivres, des fleurs pour les sombres et rigide dévotes, des fleurs soucieuses pour les femmes ennuyées ? » Elle excelle dans la fabrication des fleurs fanées, avec leurs « feuilles flétries, leurs feuilles jaunes » que le comte achetait dans leur totalité au prix du détaillant et que Maurice avait déjà vues chez lui.
Balzac profite de cette intrusion chez Honorine pour évoquer le dur travail des femmes : la tapisserie, « cause de pulmonie ou de déviation de l’épine dorsale » ; la gravure de planches de musique, qui nécessite précision, savoir et patience ; « la couture, la broderie qui ne donnent pas trente sous par jour. »
Il compare la vie du comte et celle d’Honorine. Lui tout émotion, tout action, tout agitation. Elle toute passivité, tout inactivité, tout immobilité.
Maurice ne parvient toujours pas à la faire parler de sa vie passée malgré le début de confiance, sinon d’amitié, qui s’ébauche entre eux. Et comprend ce que disait le comte lorsqu’il parlait « de son entêtement de mule, plus commun qu’on ne le pense chez les femmes. »
Après des semaines d’observation, Maurice sous le charme de la douce Honorine, parvient à la conclusion que « l’amitié des femmes est de beaucoup supérieure à leur amour. »
Ils parlent d’amour. Et quand Maurice lui dit, ébloui par ses regards, « belle comme voue êtes, vous avez aimé » et lui répond par une esquive : « Moi je ne suis pas une femme, je suis une religieuse arrivée à soixante douze ans. Je dois à mes fleurs beaucoup de tranquillité bien qu’elles ne parviennent pas toujours à m’occuper. » Elle pense que l’amour ne surgit qu’une seule fois dans le cœur d’une femme « Qu’est-ce que c’est que des femmes qui s’adonnent à plusieurs amours ? » lui demande-telle un soir en le regardant, dit Balzac, « comme la Vierge d’Ingres (Salon de 1824) regarde Louis XIII lui donnant son royaume. »
Elle se place en dehors du désir et du sentiment et se veut indépendante. « Lucrèce a écrit avec son sang et son poignard le premier mot de la charte des femmes : Liberté ! »
et pourtant certains jours, avoue-t-elle, elle « a l’âme envahie par une attente sans objet » qui la laisse prostrée, « sans goût pour ses travaux », comme si quelque chose d’essentiel allait changer sa vie.
Maurice rend compte régulièrement des progrès de son espionnage rue Saint Maur à son patron. Celui ci oriente les discussions et indique à son secrétaire, de plus en plus mal à l’aise,  les mots à dire tout en marchant la nuit sur les remparts de la Bastille.

Carte blanche est donnée à Maurice
Honorine subit une forte commotion à l’évocation par Maurice d’un enfant qu’elle devrait avoir comme toute femme digne de ce nom. Cet incident amène Honorine à parler. Elle permet à Maurice, s’il le veut, d’être curieux d’elle et de chercher qui elle est. Par honnêteté, il lui dit ce qu’il sait déjà d’elle, ce qu’il a deviné en l’observant. Il lui raconte comment le comte l’a protégée, depuis le début, quand s’est enfuie. Qu’il ne l’a jamais abandonnée depuis sept ans, et à toute heure, et que, grâce à ses soins constants, elle a pu vivre dignement et dans un certain confort. Elle apprend ce que le comte a fait, fait et continuera à faire pour elle, sans contrepartie de sa part, à elle.
Sa réaction est une réaction d’impuissance, elle pleure de désespoir.
Maurice demande la présence du curé pour entendre enfin sa version de l’histoire. Si les raisons qu’elle donnera pour expliquer sa fuite et son refus de retourner chez le comte paraissent justes à Maurice, il lui promet de l’aider à disparaître de telle sorte que son mari ne pourra jamais la retrouver.
Honorine dit que l’amour elle l’a donné à un autre que son mari. Et que cet autre ne l’a pas pris. Cet homme lui a pourtant ouvert l’univers du plaisir, la volupté jamais atteinte dans ses rapports conjugaux.
Pour elle « il n’y a pas deux amours ». L’amour ne s’essaie pas. Il est ou n’est pas. Les dix huit mois vécus avec son amant équivalent pour elle à dix huit ans de vie amoureuse.
Maintenant il n’y a rien, elle n’est plus « que le rebut d’une fête. » Elle vit dans un désert affectif anesthésiant. Et cela lui convient. Revenant à son histoire elle dit à Maurice que si le mari a eu la jeune fille l’indigne amant a eu la femme faite.
Elle respecte trop son mari pour retourner vivre sous son toit et se donner à lui comme si rien ne s’était passé. Elle aurait l’impression d’être une prostituée. Elle peut envisager de se donner à un n’importe qui d’autre sauf à Octave.
Honorine promet à Maurice de s’expliquer plus longuement dans une lettre qu’elle va écrire. Elle passe la nuit à l’écrire et ne s’endort, « épuisée de fatigue, qu’à six heures grâce à un amandé (lait plus amande) que le pharmacien lui avait préparé.

La lettre d'Honorine
Le comte au courant de cette discussion a recours pour dormir à une dose d’opium procurée par le docteur Desplein.
Maurice reçoit la lettre promise. Rien n’est plus terrible que le vrai remarque alors le consul en s’adressant à Camille Maupin. La littérature ne saura jamais atteindre à cette vérité « des entrailles. »
Voici ce qu’écrit Honorine.
La loi de Dieu et la loi civile ordonnent qu’elle retourne chez son mari. Tout doit être sacrifié à La Famille – égoïsme, sentiment, répugnance. Mais elle ne peut pas parce qu’elle n’aime pas le comte. Quelqu’un d’autre l’a fait vibrer qu’elle ne peut pas oublier. Si elle retournait chez son mari elle le tuerait par sa froideur, par des comparaisons - quoique cachées au fond de sa conscience - qui se devineront et qui l’humilieront. Elle le comparera à un homme indigne de lui mais qui lui a fait connaître « les cruelles délices » des sens « gravés en traits de feu » dans sa chair, dont elle a honte mais dont elle se souvient irrésistiblement.
Octave doutera toujours d’elle comme elle doutera toujours de lui. Elle sera toujours à genoux, il sera toujours debout.
L’amour ne se recommence pas. Elle se sent flétrie et croit que seul Dieu peut la refaire. Une jeune fille trompée se redresse alors qu’une femme coupable est « comme une fleur sur laquelle on a marché. »
L’expiation n’efface rien ajoute-t-elle. Si au moins le comte ne savait pas peut-être serait possible d’essayer. Mais là il lui semble que leurs rapports ne seraient que du plaisir, sans la vertu. Elle deviendrait une chose, non une dame. (Rappelons nous les discours sur l’Orient tenus par Octave et Maurice.) De plus l’enfant qu’elle a eu - maintenant mort depuis sept ans - conçu dans l’ivresse et la joie, elle en sera toujours grosse. Si d’autres enfants venaient ils seraient nourris avec du lait fait de ses larmes.
Entre l’enfer ou Dieu ne l’empêchera pas de le bénir et l’enfer qui l’attend chez Octave, elle n’hésite pas une seconde.
Si elle redevenait jeune fille avec son expérience actuelle elle retournerait chez lui.

La lettre d'Octave
Maurice à la lecture de la lettre ne peut s’empêcher de préférer la femme en faute à la jeune fille pure que lui destine le comte. Pour Honorine, la fidélité n’est pas un devoir mais la fatalité du cœur. Aux yeux de Maurice la femme à relever, la pécheresse est sublime alors qu’Amélie, prête aux serments éternels dont elle ne sait rien risque d’être d’une tranquillité mortelle.
Il demande au Comte de l’éloigner de Paris, de le nommer dans un consulat. Enfin pour que leur plan réussisse, il ne faut pas qu’il épouse Amélie, car elle est trop proche du comte. Il a compris que la comtesse pouvait tomber amoureuse de lui comme il était tombé amoureux d’elle. Rappelez-vous, dit-il au comte, « vous m’aviez donné des gants… je ne les ai pas mis, voilà tout. »
Nous sommes au mois d’août. Le temps est lourd. Un orage que l’on sent mais qui ne se déclare pas reste dans le ciel, couleur de cuivre.
Le comte doit répondre à la lettre de sa femme. Cinq mois de travail pour arriver à cette décisive minute – « la pointe de la pyramide. »
La lettre du comte arrive par le bon curé à dix heures chez la comtesse.
Il n’a pas compris le mariage. N’a pas vu les dangers qui le guettaient. Il propose à Honorine un pacte : il sera un père, un frère et elle, elle ne sera jamais la femme acquise par la loi. Il n’y aura aucun reproche. Elle sera maîtresse de sa vie et celle de la maison qui l’accueille de nouveau. Il aura pour elle la tendresse d’une mère, c’est à dire « l’amour sans le désir. »
Honorine cède aux arguments de son mari et retourne vivre chez lui.
Maurice est nommé vice consul en Espagne.

Les retrouvailles
Le comte n’est pas heureux. Honorine consent à redevenir sa femme dès qu’il le voudra. Mais il y a risque de résignation. Elle lui demande de la rendre amoureuse de lui, de la changer, de la transformer et de la rendre mère. Elle aime assez « son âme » pour « qu’elle meurt à son service, comme une esclave d’Orient. » Après tout, lui dit-elle, « peut-être ne mourrai-je pas. »
A ces paroles  le comte sent comme un froid dans le sang. Ces paroles ne sont pas des paroles d’amour.
Honorine donne un fils à son mari.
A la fin de l’année 1830, Maurice reçoit la dernière lettre  signée Honorine.
Elle est en train de mourir. Octave ne voit rien.. « Jamais courtisane ne fut plus gaie que moi » écrit-elle. Mais tous les jours un mal invisible vient prendre un lambeau de sa vie et, continue-t-elle, ce n’est pas une bouche aimée qui boit ses larmes mais un mouchoir. En comédienne consommée, seule, elle cache sa honte et meurt d’une maladie plausible, une maladie incurable et rare, en accord avec ses médecins Bianchon, Desplein, pour ne pas entraîner le comte à sa suite.
Elle conseille à Maurice, jeune marié, de faire au plus vite un enfant à sa femme. Elle ne doit pas rêver, il doit  « la jeter dans les matérialités les plus vulgaires du ménage. »
Il faut l’empêcher, lui conseille-t-elle encore, « de cultiver dans son cœur la mystérieuse fleur de l’idéal. »
Elle termine sa lettre en lui disant qu’elle n’était pas dupe. Qu’elle a bien vu fleurir l’amour entre eux. Mais trop tard. Elle lui donne la vraie raison de sa mort en citant Saint Bernard : « Il n’y a plus de vie quand il n’y a plus d’amour. »
Après la mort d’Honorine le comte comprend qu’il a encore été trompé par sa femme et s’accuse de sa mort. Il meurt quelque temps après elle.

Balzac - Honorine
Balzac - Honorine
Balzac - Honorine
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